Comme c’est bon d’être à la maison ! Comme ma maison en Toscane m’a manqué ! Je respire enfin de l’air pur et j’arrive même à sentir l’odeur des fleurs, des arbres pas comme à Rome où je ne sens que l’odeur des voitures ! Les branches des arbres sont si chargées de fruits qu’elles touchent presque par terre… on dirait qu’elles n’attendent que moi ! Ca tombe bien, je suis arrivée et HO FAME ! Miam miam !

J’ai déjà revu mes meilleurs amis, Bianca et Massimo et nous avons fait du vélo dans les bois d’à côté. J’adore cette sensation de dévoiler les chemins à toute vitesse… Je n’ai pas trop eu le temps de me connecter sur internet ces derniers jours car je profite au maximum de la nature et de mes amies que je n’avais pas vues depuis longtemps, j’espère que vous ne m’en voudrez pas !

Nous sommes dans le train. Encore 1h jusqu'à Florence. Les voyages en train m'enchantent ! C'est toujours l’occasion de découvrir des paysages inconnus et insolites. Parfois le train passe à côté de champs plein d'animaux (que j'aimerais tellement prendre en photo, mais nous allons beaucoup trop vite !), de champs multicolores, ou encore à travers des villages si pittoresques qu'ils semblent sortis tout droit d'un film !

Mais aujourd'hui je n'ai pas envie de regarder le paysage. Je n’arrive pas à fixer autre chose que la tablette grise qui se trouve devant moi. Pourtant, tout est si tranquille ! Le wagon est plein, mais les gens lisent en silence et même Laura n’a pas dit pas un mot ! Tout est tranquille mais à l'intérieur de moi tout s’agite !

Mon esprit est en proie à un ouragan terrible déclenché par seulement cinq mots « Giulia je suis amoureux de toi ». J'ai du mal à comprendre ma réaction. C'est vrai, en soit ces quelques mots n'ont rien de négatif, on dirait même que c'est tout ce que les femmes veulent entendre (je parle de ma mère et ses amies bien sûrs !). Je devrais donc être heureuse, être tout sourire comme maman quand papa lui dit ces mots-là !

Mais c'est justement là que se trouve le problème : quand Marco m'a dit cela je n'ai rien ressenti. Sauf l'envie de partir en courant et de retirer ma main de la sienne ! C'est quand même ennuyeux non ? Peut-être qu’au fond c'est moi qui ne suis pas normale ! Ou peut-être est-ce simplement que je ne l’'aime pas ? Comment fait-on pour savoir si nous aimons quelqu'un ou pas ? Ce serait si simple de le demander à maman, elle connaît sûrement la réponse, mais si je lui demande, elle comprendra tout de suite ce qui s'est passé et je n'en ai vraiment aucune envie !
Che vità ! Marco est mon meilleur ami depuis un an maintenant ! Nous nous voyons presque tous les jours, à l'école, sur la place, nous sommes arrivés à L’Open World School en même temps et lui aussi a dû surmonter quelques problèmes dans sa famille.

C'est un peu le frère que je n'ai jamais eu. Je ne sais pas ce que je devrais ressentir si j’étais amoureuse de lui, mais je pense vraiment que je ne ressens que des sentiments d'amitié. Et maintenant comment vais-je donc m’y prendre pour lui expliquer tout cela ? Espérons que pendant l'été il oublie tout ce qu’il m'a dit et que tout redevienne comme avant !

C'est bien compliqué tout ça ! En comparaison la dernière interrogation de mathématiques c'était VRAIMENT du gâteau ! Che vità !

Enfin un moment de tranquillité pour vous raconter la suite ! Revenons au jour où Marco et moi nous sommes retrouvés sur la piazetta. Comme je vous l'ai dit il semblait tendu, j'ai accepté de le suivre car j'étais sûre qu'il avait un problème et souhaitait m’en parler. Alors que nous marchions en direction de la place, j'ai noté qu’il était vraiment agité et me lançait des regards en coin sans arrêt !

Pour la première fois depuis que nous nous connaissons, j'ai commencé à me sentir un peu mal à l’aise, je ne voyais pas l'heure de rentrer chez moi ! Nous avons pris une glace (goût « schtroumpf » pour moi bien sûr !) et nous sommes assis sur notre banc préféré.

Marco passe normalement son temps à raconter des blagues qui me font pouffer de rire ! Ce jour-là il était blanc comme sa glace au goût « Fiordilatte » et silencieux comme une carpe ! J'ai essayé de lui demander ce qu’il allait faire pendant les vacances, histoire de détendre l'atmosphère, mais il ne m'a répondu qu’avec des monosyllabes... Rien à faire, il avait vraiment l'esprit ailleurs !

Les cloches de l'église se sont mises à sonner, 16h ! Zut, j'aurais déjà dû être de retour à la maison. Je me suis levée rapidement prête à courir, Marco m’a imité puis m'a attrapé la main et a ajouté d'une voix tremblante cette phrase que j'aurais aimé ne jamais entendre « Giulia, je suis amoureux de toi ».

Je me revois encore le serrer fort dans mes bras d'une manière mécanique en guise d'adieu, puis, partir en courant, sans même comprendre le sens de ses paroles. C'est seulement une fois devant la porte de l'appartement que j'ai repensé à ce qui venait de se passer « amoureux ? » « de moi ? ».

Tellement de pensées se bousculaient dans ma tête à cet instant précis que je n'ai pas entendu la porte s'ouvrir, j’ai juste senti une main énergique me tirer à l’intérieur « Ah Giulia, enfin ! Je m'inquiétais ! Marco va bien ? Qu'est-ce qu’il t'a raconté de beau ? »
Et moi de répondre : « Niente di speciale mamma. »

Déjà une semaine que l'école est finie ! Aujourd'hui c'est le jour du départ… vêtements de partout, Laura qui boude parce qu'elle ne veut pas partir sans sa caisse à jouets, la grand-mère qui s'agite sans raison et maman, qui plie et qui plie... bref, vous l’avez compris, nous faisons les valises !
Au milieu de toute cette agitation, je mets ma cape d'invisibilité ! Je n'ai vraiment aucune envie que maman me demande de l’aider, je sais ce n’est pas très gentil mais les valises, je déteste cela !

Mes craintes s’évanouissent lorsque poussée à bout par les cris stridents de Laura, maman nous demande de sortir ‘tout de suite’ de l'appartement ! « Trop c'est trop, je n'arriverai jamais à finir avec vous ici ! Allez chez les grands-parents ! Maman rentre chez toi et fais disparaître ces deux petits singes de la pièce! »

Un soupçon de culpabilité traverse mon coeur lorsque je sors de l'appartement et que j’aperçois les trois valises encore vides... Promis je l’aiderai la prochaine fois !

Au moment du dessert, je pense tout d'un coup à Marco : je ne lui ai pas encore dit au revoir ! Si je pars en vacances sans le saluer, je suis sûre qu'il me fera la tête tout l’été ! En particulier car je ne lui ai pas encore rendu son livre sur les insectes et je sais qu’il y tiens, il en aura sûrement besoin pendant les vacances.

J’obtiens une permission d’une heure (et pas une minute de plus !) pour faire l’aller retour jusqu’à chez lui.

« Bonjour Mme Lucia, Marco est ici ? »
« Bonjour ma belle, bien sûr, rentre, il est dans sa chambre». Marco est en train de jouer au Lego quand j’arrive et je crois qu’il ne s’attendait pas à me voir !
« Oh Salut Giulia, je ne pensais plus te revoir avant la rentrée. »
« Je prends le train ce soir mais tu penses vraiment que je serai partie sans dire au revoir à mon meilleur ami ?! »

Bizarrement, Marco me lance alors un regard un peu étrange. J’en déduis qu’il est sûrement en colère que je ne sois pas passée avant.
« Allons faire un tour sur la place » dit-il avec une voix différente de celle que je lui connais, on dirait qu’il est tendu.

Vu que le temps passe vite, aller sur la place ne me semble pas une très bonne idée, mais il a l’air tellement préoccupé que j’accepte, il a sûrement besoin de me parler d’un problème et ne veut pas le faire chez lui.

Ha les amies, si seulement j'avais pu imaginer quel était son problème… Je serai restée chez moi ! Quel embarras ! Je dois y aller car nous partons dans deux minutes mais dès que je peux me reconnecter, je vous raconte tout en détail ! Tanti baci !

Ca y est cette fois-ci je suis vraiment en vacances ! Vendredi 15 juillet, dernier jour d'école !
Je l'avoue, cela fait déjà quelques jours que j'avais hâte d'être enfin en vacances (même si j'adore mon école). J'ai une telle envie de mer et de revoir mes amis de Toscane !
Ce soir il y a plus de monde que d'habitude dans les couloirs de l’école et tout le monde papote joyeusement. J'en profite moi aussi pour saluer les copains que je croise et leur souhaiter de bonnes vacances.

J'aperçois Fiumetta derrière les escaliers, elle me sourit et semble contente de me voir. Elle s'approche de moi et me chuchote à l’oreille avec un air réjoui « à la rentrée j'aurais besoin de tes conseils ! Au mois de septembre je commence des cours de photographie ! » Photographie ? Fiumetta ? Quelle idée originale, elle qui ne parle que de designers connus et de vêtements ! Alors que cette pensée me traverse l'esprit, son visage s’illumine et elle ajoute avec les yeux plein d'étoiles « photographe de mode, génial n'est-ce pas ?! »

L'enthousiasme avec lequel elle a ajouté cela me touche, je suis heureuse pour elle. Certaines images de notre première rencontre me reviennent à l'esprit ; à l'époque je me souviens qu'elle me regardait toujours un peu de haut lorsque je parlais de photos, et je dois dire qu'alors, je ne l'appréciais pas spécialement non plus. Mais désormais tout cela, c’est du passé. J'ai compris que malgré nos différences, elle aussi à des passions et des rêves fous. Je l’aime bien au fond.

Mais je ne résiste pas à lui faire une dernière blague avant l’été. Je m’écrie donc « C'est génial ! Cela me fait tellement plaisir, finalement une amie qui viendra dans les champs avec moi pour courir derrière les vaches et les photographier ! Fiu, en quelques leçons avec moi, tu seras la plus grande photographe de mode de Rome ! »

Sa réaction ne se fait pas attendre… silencieuse mais puissante ! Son corps se raidit, ses yeux me fixent et un certain air de dégoût se forme sur son visage. Je détecte aussi un peu de peur : elle m’a cru ! Lorsqu'elle comprend que je n'étais pas sérieuse, nous éclatons de rire toutes les deux avant de nous saluer une dernière fois. Un jour ou l'autre, elle viendra avec moi faire des photos dans la campagne, mais bon cela, elle ne le sait pas encore !

Je dois déjà y aller, un sentiment de tristesse m'envahit. Maman est déjà dehors, elle m’attend. Ou est donc passé Marco ? Personne ne le sait ! Ce n’est pas grave, je l'appellerai avant de partir en Toscane.
Comme cela finit ma première année scolaire à l’Open World School !